Make your work easier and more efficient installing the rrojasdatabank  toolbar ( you can customize it ) in your browser. 
Counter visits from more than 160  countries and 1400 universities (details)

The political economy of development
This academic site promotes excellence in teaching and researching economics and development, and the advancing of describing, understanding, explaining and theorizing.
About us- Castellano- Français - Dedication
Home- Themes- Reports- Statistics/Search- Lecture notes/News- People's Century- Puro Chile- Mapuche


World indicators on the environmentWorld Energy Statistics - Time SeriesEconomic inequality

COURRIER DE LA PLANÈTE Nº42
(septembre-novembre 1997)
Avenir de l'influence française
Pour une solidarité européenne commune



Alors que l'aide publique au développement révèle ses limites et que les relations de coopération bilatérales souffrent de leur dimension politique, le gouvernement français appelle les Etats membres de l'Union à élaborer une stratégie commune de coopération. Mais la construction d'un partenariat avec les pays les moins avancés revêt-elle la même importance pour les autres pays de l'UE ? Charles Josselin Secrétaire d'Etat à la coopération* L'Europe devrait-elle se doter d'une politique commune de coopération et de développement·? Pour répondre positivement à cette question, il faut démontrer que le niveau européen est le plus adéquat pour mener une politique commune de développement. Or, il semble justement aujourd'hui possible, souhaitable et opportun de s'engager dans la voie d'une politique commune européenne de coopération. Les mutations de l'aide publique au développement (APD), que certains présentent en crise, et l'évolution générale du monde en développement, qui accède à la mondialisation et doit, comme nous-mêmes, la maîtriser, montrent qu'une politique européenne mieux définie, menée de façon cohérente sur la base du partenariat, qui est l'essence des relations entre l'Europe et le Sud, est à l'ordre du jour.

S'engager sur la voie d'une politique commune de coopération est devenu possible. L'Union européenne (UE) est maintenant un ensemble politique, et les Traités de Maastricht et d'Amsterdam ont inclus la coopération dans la politique extérieure et de sécurité commune (Pesc), offrant une base légale nouvelle. C'est une donnée importante des relations avec les pays en développement, qui permettra aux Européens de mieux faire face aux préoccupations communes qui peuvent avoir des conséquences sur leur politique vers le Sud. Je pense à l'élargissement vers l'Est à des pays sans véritable engagement au Sud, à la réalisation de l'Union économique et monétaire ou à la révision des perspectives financières. En outre, il est essentiel de mieux encadrer nos choix stratégiques européens et nos financements au titre de l'action extérieure de l'Union. La part accordée aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) dans le cadre du Fonds européen de développement (Fed) s'est réduite au bénéfice des actions extérieures financées sur le budget communautaire, en particulier vers les pays d'Europe centrale et orientale (Peco). Les ACP, qui bénéficiaient de 65·% des financements extérieurs de l'Union sur les trois dernières années du Fed 6 (1988-1990), n'en attiraient plus que 42·% au cours du Fed 7 (1991-1995) et 33,5·% en 1996 (sur la base des dotations au Fed 8). Cette évolution devrait se poursuivre d'ici la fin de la décennie avec la montée en puissance des financements Peco et Méditerranée.

Une politique commune de coopération est également devenue souhaitable. L'APD souffre d'une perte de légitimité, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union. Son efficacité est souvent contestée, en particulier parce qu'elle n'est pas pu éviter ce qui apparaît à bien des égards comme une marginalisation de nombreux pays dans l'économie mondiale, notamment africains. Résultat ou conséquence, nombre de pays européens ont diminué en termes relatifs leurs financements vers les pays en développement. L'aide des Etats-Unis s'est beaucoup réduite et se concentre sur quelques pays cibles et alliés. Quant au Japon, il vient d'annoncer sa volonté de réduire de 10·% en moyenne son APD dans la prochaine année budgétaire. Dans ce cadre, il est essentiel que les pays européens unissent leurs forces pour renforcer la crédibilité de l'aide et faire jouer les économies d'échelle. Soumise à de fortes contraintes financières, l'Europe a besoin de rassembler ses moyens et de les rendre plus performants.

Par ailleurs, les pays développés, en particulier ceux de l'UE, ont pris des engagements internationaux nouveaux, notamment pour s'adapter aux mutations de l'économie mondiale. Les Accords de Marrakech, qui posent le principe d'un désarmement tarifaire mondial, font subir une érosion continue aux préférences commerciales accordées aux pays en développement. L'UE a également multiplié les accords avec les pays tiers, réduisant ainsi les avantages tarifaires relatifs des pays théoriquement les plus favorisés. La mondialisation de l'économie s'est aussi traduite par des interdépendances nouvelles et par le souci des pays développés de demander aux pays du Sud de mettre en place des minima sociaux, des normes sur le travail des enfants, des règles de protection de l'environnement.

Echecs répétés. Enfin, un engagement plus avant sur la voie européenne interviendrait à un moment opportun. Depuis la formation du nouveau gouvernement en juin dernier, la France a entrepris de refonder sa politique de coopération au développement. Le gouvernement a conscience que l'image de cette politique a été ternie par des échecs répétés, des appuis peu nuancés à des régimes contestables et contestés et un manque de cohérence et de continuité dans ses orientations. Nous sommes convaincus que notre politique de coopération au développement doit se décliner dans la plus grande transparence et répondre à un objectif de solidarité à l'égard des pays en développement les plus pauvres, tout autant qu'à un intérêt mutuel modernisé. Cette politique doit constituer une composante majeure de l'action extérieure de la France en l'orientant vers les populations les plus défavorisées, vers la satisfaction des aspirations à la démocratie, au respect des droits de l'homme et au développement humain. Elle doit s'inscrire dans le dessein de gérer ensemble un accès à la mondialisation qui serve le développement des partenaires de la France, tout en stimulant la croissance et la création d'emplois en France.

Face à ces exigences, insérer la politique française de coopération dans le cadre européen peut permettre de rénover les outils de coopération. L'UE est désormais le premier contributeur mondial à l'APD, avec plus de 50 % du total (concours bilatéraux des 15 Etats membres et ressources de la Commission). En parlant d'une seule voix, elle peut peser de tout son poids dans la communauté des bailleurs de fonds et dans les négociations internationales. Ce dernier point est essentiel·: trop souvent, ces négociations ne prennent pas en compte l'impact de leurs recommandations sur les pays en développement. Une Europe divisée, sans politique cohérente, laisse le champ libre à d'autres acteurs. Le débat sur les politiques économiques et de développement est, par exemple, conduit avant tout par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et d'autres institutions financières internationales, l'Europe s'inscrivant en général dans leurs logiques, sans contribuer assez à leur détermination. De même, l'Europe est amenée à négocier et à justifier chaque année à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sa politique commerciale préférentielle à l'égard des pays en développement.

Les conditions d'un dialogue politique entre l'UE et les pays du Sud doivent être réunies. La France ne peut plus se permettre d'affronter dans l'isolement les problèmes de développement et de sécurité auxquels est confronté le continent où elle a voulu concentrer longtemps les moyens d'une relation quasi-exclusive, l'Afrique. Elle a en revanche un devoir de solidarité, avec l'Afrique bien sûr mais aussi avec d'autres pays marginalisés. Le prisme européen pourrait nous aider à dessiner une carte actualisée de nos engagements.

Ne faisons cependant pas preuve d'angélisme : l'expression d'une solidarité européenne commune ne va pas de soi. L'Allemagne est confrontée à la nécessité de faire un choix à l'Est, et pourrait être tentée de prendre plus de distance envers le reste du monde. Le Royaume-Uni a longtemps estimé que l'aide bilatérale était la plus adaptée, compte tenu des lourdeurs administratives des institutions internationales. Son gouvernement pourrait aujourd'hui s'ouvrir à de nouveaux horizons. Les pays latins ont un penchant naturel vers la Méditerranée, en particulier le Maghreb, et l'Amérique latine. J'espère toutefois que nous serons en mesure de débattre de cela entre collègues européens, lors des prochains Conseils de développement. Il faudra réfléchir à un dispositif institutionnel adéquat. Il semble y avoir deux schémas opposés. Le premier consisterait à confier le rôle d'orientation, de conception et de tutelle à la Commission, les agences nationales de développement étant chargées de l'exécution et du suivi de l'aide et des projets. L'approche inverse serait de transférer à Bruxelles la plupart des fonctions de coopération au développement, ce qui alourdirait inévitablement l'administration européenne et risque de l'ankyloser technocratiquement. Mais il existe d'autres directions.

Je vois trois démarches possibles, à mener en parallèle. On ne peut pas remédier à la crise de l'APD européenne sans en faire évoluer en profondeur les instruments. C'est une exigence pour les pays membres et pour la Commission. Il faut aussi rechercher des orientations communes, et plus généralement créer un état d'esprit et un cadre de référence communs au sein de l'UE.

En premier lieu, en France, le gouvernement a commencé à renouveler les contours de sa politique de coopération. Nous les annoncerons dans les prochaines semaines. A la suite de cette réforme institutionnelle, nous serons mieux à même de prendre en compte le cadre européen, de moderniser ou de renforcer notre action là où elle peut avoir un avantage comparatif -·et dans bien des domaines l'expérience française est unique·-, et de mettre plus étroitement en relation Bruxelles et les acteurs économiques et sociaux de la société civile française.

Deuxièmement, si la rationalisation du dispositif est à l'ordre du jour en France, elle doit l'être aussi, me semble-t-il, au niveau européen. Approfondir la politique de coopération européenne est un enjeu pour la Commission. Or le dispositif institutionnel européen est affecté de faiblesses et de lourdeurs. La Commission n'est pas le seul bailleur de fonds dans cette situation, mais elle doit devenir irréprochable pour jouer le rôle moteur que nous évoquons. L'ensemble des instruments de l'aide européenne au développement fait l'objet d'un rapport demandé lors du Conseil de développement du 1er juin 1995. Son examen devrait permettre d'évoluer vers des structures qui prennent mieux en compte la fonction d'exécution des projets au sein des services européens. Au-delà, cette exigence d'efficacité doit inspirer l'ensemble des démarches communautaires. La Commission doit être encouragée à préparer des modes d'action adaptés et pratiques.

Troisième démarche, enfin, la recherche d'orientations communes. Souhaitons que le dialogue sur l'après Lomé permettra d'ouvrir cette voie. La renégociation de la Convention de Lomé fournit l'occasion d'évaluer et de mettre en perspective nos relations avec les pays ACP et notre coopération technique et financière. Elle va inévitablement constituer une étape importante de la réflexion commune européenne sur les politiques de développement. De mon point de vue, l'UE doit y voir l'occasion de conceptualiser dans un document unique de nombreuses initiatives ou idées sur ses relations avec les pays du Sud.

Echéances. La négociation entre l'Union et les ACP s'ouvrira à l'automne 1998, pour mettre au point un accord de partenariat qui couvrira les années 2000 à 2010. C'est donc avant septembre 1998 que l'Europe devra s'accorder sur la base de départ des négociations. S'appuyant sur les acquis du passé, l'accord devra être résolument tourné vers l'avenir et prendre en compte les réalités de la mondialisation, notamment les perspectives ouvertes par l'OMC, et le renforcement de la Pesc.

Comme plusieurs de ses quatorze partenaires, le gouvernement français a remis à la Commission une contribution sur les enjeux de la future négociation. Pour sa part, le Parlement européen a diffusé un rapport, rédigé par Wilfried Martens, qui a inspiré les travaux de la commission compétente du Parlement et la résolution qu'il vient d'adopter. Ces documents avancent souvent des positions novatrices intéressantes.

L'enjeu de la nouvelle coopération européenne réside dans l'approfondissement de sa dimension politique. La nouvelle Convention devrait refléter le fait que désormais l'UE est un ensemble politique. Or le bilan des précédentes Conventions a révélé l'insuffisance du dialogue politique autour de valeurs communes (Etat de droit, démocratie, droits de l'homme, mais aussi bonne gestion des affaires publiques). Comme le note le rapport Martens, il est souhaitable que l'UE joue un rôle majeur dans la prévention des conflits, face à de nouveaux dangers qui appellent des politiques communes, comme la drogue ou la criminalité. Un cadre de discussion entre l'UE et les ACP pourrait être mis en place à Bruxelles sur les sujets relevant de la Pesc. Une meilleure concertation entre l'UE et les institutions financières internationales, y compris l'OMC, est quant à elle indispensable dans le contexte des relations avec les ACP.

Ce serait également le moment de réfléchir à la mise en place progressive de zones de libre-échange (ce qui ne concerne pas que les ACP). Les ACP les plus avancés, ou ceux qui le désirent, pourraient s'engager dans la voie du libre-échange. Les ensembles sous-régionaux qui se structurent aujourd'hui le préfigurent, ils pourraient en être le ferment. Ces étapes seraient nécessaires en vue de l'émergence éventuelle de blocs Nord-Sud où l'Europe serait partenaire des pays du Sud, puisque cette structuration du monde est en route et constitue une modalité de la mondialisation. Cette perspective devra être envisagée à la lumière des impératifs de la politique agricole commune, des protocoles produits et de nos relations commerciales avec des pays non ACP associés à des pays ACP dans le cadre d'accords régionaux.

Au-delà, la France insistera auprès de ses partenaires européens sur une collaboration plus étroite avec les acteurs de la société civile. Leur participation contribue tout à la fois à l'expression et à la prise en compte des besoins de chaque pays en développement et, par une information adéquate, à l'appropriation de la coopération par des secteurs plus larges de ces sociétés.

La France est favorable à un renouvellement des procédures qui mettrait l'accent sur les concours budgétaires sectoriels directs. Cette aide directe aux budgets des Etats permettrait d'évoluer vers un instrument d'aide liant plus étroitement l'ajustement et l'aide projet, et couvrirait à la fois l'investissement et le fonctionnement dans des secteurs essentiels, de façon plus responsabilisante pour les Etats. Cela impliquerait un renforcement des capacités locales de conception et de gestion des politiques économiques et sociales ainsi que la réhabilitation des stratégies de long terme. Cela encouragerait une délégation de la mise en oeuvre des concours aux agences ou représentations des Etats membres, qui justifierait une meilleure coordination au sein de l'UE.

Il conviendra en même temps de préserver les intérêts des pays les plus pauvres. Lors des premiers débats entre Européens, il est apparu que l`aide aux pays les moins avancést (PMA) serait un fondement du futur Lomé. Certains préconisent même de faire entrer les PMA non ACP dans la prochaine Convention. Je me félicite d'ores et déjà que l'UE ait annoncé, lors d'une conférence de l'OMC à Genève fin octobre, qu'elle étendait à tous les PMA ses mécanismes commerciaux préférentiels.

Au bout du compte, c'est bien la problématique de nos choix en Europe qui marquera l'entrée dans le prochain siècle des relations avec le monde en développement. C'est le moment de faire preuve de vision et d'imagination, de lucidité volontaire.

*·20, rue Monsieur - 75700 Paris.
Tél.·: 01 53 69 40 31.
Fax·: 01 53 69 43 74.


Comment commander un numéro ou s'abonner ?

Pour tout renseignement veuillez contacter :
Solagral à : cdp@hol.fr


Cette page à été mise à jour le : 12 février 1998

© Solagral 1996-98
Pour tout problème ou commentaire relatif à ce site veuillez contacter Erik Bernard à : bernard@iamm.fr